Traduction de Mathilde Tamae-Bouhon. Ed. NIL, 2022.
Dans ce roman aux allures de fable, Natsukawa Sôsuke nous emmène à la découverte du paysage de la littérature et des gouffres qu’il recèle. Pour cela, nous faisons la connaissance de Rintaro, lycéen taciturne vivant dans la librairie d’occasion de son grand-père, qui vient de décéder. Il faut savoir que cette librairie est spécialisée dans les chefs d’œuvres de la littérature, éditions rares et autres ouvrages que « plus personne ne lit », mais que Rintaro fréquente assidûment depuis qu’il sait lire.
Avec sa déléguée de classe Yuzuki, il va devoir « sauver » les livres menacés par différentes pratiques incarnées par des entités variées dans des dédales allégoriques, guidé par un personnage singulier : un chat tigré doué de parole et doté d’une ironie certaine envers ses « assistants « humains.
Au fil de ces affrontements rhétoriques, la personnalité de Rintaro va se révéler, se renforcer, et si le roman est un plaidoyer en faveur de la lecture et des livres, c’est aussi le récit d’un deuil à surmonter, d’une filiation intellectuelle, et de la découverte des limites de la solitude.
Les divers « adversaires » de Rintaro illustrent fort bien les travers de la littérature et de l’édition modernes, et le chat est un personnage qui conserve son mystère, et laisse tout de même la vedette aux humains !
Un roman interessant, mais quelque peu « survendu », son succès mondial (il a été traduit en trente six langues…) me surprenant un peu.
Il s’agit là, à ma connaissance, du premier roman de Natsukawa Sôsuke traduit en français. Paru au Japon en 2017, il a eu un grand succès et a été abondamment traduit (le premier roman du Dr Natsukawa Sôsuke, Kamisama no Karute — la carte divine — voir ci-dessous — qui racontait le dilemme d’un médecin devant abandonner ses patients pour un poste prestigieux, a lui aussi remporté un grand succès au Japon, étant même adapté en film).
La traduction de Mathilde Tamae-Bouhon est de qualité. Étant par ailleurs musicienne classique, elle a pu détailler avec brio un passage où intervient une symphonie de Beethoven. Par contre, il aurait été utile de préciser quelques éléments de la scolarité japonaise : l’importance des clubs, ou le rôle des délégués de classe, bien plus étendus qu’en France, pouvant laisser certains lecteurs dans l’expectative. Mais ce ne sont là que des détails, qui n’empêcheront pas d’apprécier ce court roman (200 pages) dédié aux amoureux des chats et de la lecture, qui partagent les pensées de Guillaume Apollinaire dans son Bestiaire : « Je souhaite dans ma maison : une femme ayant sa raison, un chat passant parmi les livres, des amis en toute saison, sans lesquels je ne peux pas vivre. »
Mon exemplaire, imprimé en France, reste un livre de poche, avec un papier fin, une forte odeur d’encre (qui n’est pas pour me déplaire) et une reliure brochée qui semble solide.