La confession Japonaise, de Sébastien Raizer

Un roman étrange, et parfois dérangeant, aux accents surréalistes de plus en plus affirmés, jusqu’à un final surprenant flirtant avec le fantastique.Le héros, Tetsuo, est les seul survivant de sa famille au grand tremblement de Terre de Kobe, le Hanshin-Awaji, en 1995. Marqué par cette expérience, il est élevé par sa grand mère et reste sous l’emprise d’une fascination morbide pour « l’autre côté de la mer », le monde de la mort et des esprits, si présents dans la mythologie japonaise.

C’est d’ailleurs un des points forts (où, pour certains, j’en suis conscient, un point faible) de ce roman, de nous plonger à ce point dans la vison de son personnage principal que l’on en vient à ignorer si l’on se trouve dans la réalité ou bien prisonniers de son imagination quelque peu maladive.

Nous suivons Tetsuo au cours de son enfance puis lors de sa découverte, réelle ou fantasmée, de la sensualité féminine. Marqué par ses maladresses et son incompréhension du « monde flottant », celui de la réalité sensible, Tetsuo devient un infirmier et rencontre Tsuchiya, une jeune femme travaillant dans le même hôpital. Tout semble, jusque là, assez clair, mais cette femme va l’entrainer, au cours d’une soirée, dans un ancien sanctuaire Shintô dont il ne sortira pas indemne. A partir de là, la réalité semble se dissoudre de plus en plus, l’existence même de Tetsuo est remise en question, et ses expériences deviennent de plus en plus étranges. Est-il sous la coupe d’un yokai, ces esprits facétieux et maléfiques, ou bien tout simplement son malaise existentiel le précipite t’il vers les hallucinations et la folie ?

Une autre des composante de l’histoire, essentielle, est le lieu principal des aventures de Tetsuo : Kyoto. Nous le suivons de rues en rues, dans cette ville magique où flottent encore les esprits des temps anciens, la fine fleur des mythes et où les temples succèdent aux sanctuaires. L’atmosphère de la ville est bien rendue, les errances de Tetsuo très bien décrites, et la vie quotidienne du japon moderne est parfaitement rendue. La quatrième de couverture met l’accent sur l’érotisme du récit, au risque de décevoir les amateurs : bien que les allusions et le vocabulaire spécialisé n’y manque pas, on n’y trouvera pas de successions de scènes salaces, loin de là, mais plutôt de poétiques références au corps d’une femme dont l’existence réelle pose question, même après avoir refermé le livre.

L’écriture est élégante, c’est d’ailleurs elle qui m’a séduite, mais sans être trop affectée. L’auteur, Sébastien Raizer, a réalisé un gros travail d’une excellente qualité.Il sait ménager, à la fin de chaque chapitre, le suspens, et l’envie de trouver les pages se fait pressante. Toutefois, comme cela arrive souvent dans la littérature japonaise, le final est peut être un peu énigmatique. C’est d’autant plus méritoire que l’auteur n’a rien de japonais !Au final, un roman prenant, bien écrit, aux accents surréalistes, qui décrit bien la chevauchée névrotique d’un survivant à la recherche de sa propre vie, ou du miroir de sa mort, au delà du pont des songes…